Que vous les ayez aperçus ou non depuis la plage, avez-vous entendu parler de ces grands navires de pêche qui surexploitent les ressources halieutiques ivoiriennes ? S’il s’agit d’un phénomène récurrent en Afrique de l’Ouest, ces industriels marins (parfois surnommés les «pirates du Golfe de Guinée») fragilisent l’écosystème et nuisent à l’économie locale…
Pêche artisanale en Côte d’Ivoire
En Côte d’Ivoire, la pêche artisanale maritime est un sous-secteur important, qui donne du travail à plus de onze mille pêcheurs. Chaque jour ce sont environ mille six cent pirogues qui s’élancent dans l’océan Atlantique, bravant les vagues et les courants, à la recherche de sossos, soles, capitaines et autres espèces vivant près des côtes. Si le secteur semble en expansion, les pratiques illicites viennent menacer la pérennité de l’activité.
Les fonds marins ne sont pas les seuls à souffrir de l’intensification de la pêche en Côte d’Ivoire. Les pêcheurs artisanaux sont les premières victimes des chalutiers, qui endommagent ou emportent les filets sur leur passage. La destruction de leurs outils de travail les oblige à racheter sans cesse du matériel. Cette activité ne leur permet plus de vivre décemment. On observe alors une paupérisation des habitants des villages côtiers, dont l’économie repose essentiellement sur la pêche et le tourisme.
Double peine pour la population ivoirienne, puisque c’est un élément essentiel de leur alimentation qui tend à disparaître. Les stocks de poissons s’amenuisant, les prix augmentent. Les professionnels de la restauration ont de plus en plus de mal à s’approvisionner. La gérante d’un établissement sur Abidjan témoigne : « J’ai de plus en plus de difficultés à me procurer du poisson local. La situation est inquiétante. À ce rythme, nous n’aurons bientôt plus du tout de poisson ici ».
La sécurité alimentaire du pays est aujourd’hui menacée. Il faut donc avoir recours à l’importation. La situation devient aberrante lorsque le poisson pêché illégalement au large de la Côte d’Ivoire est traité à l’étranger (ou directement sur des bateaux-usines) et finalement revendu sur le marché ivoirien. Un hôtelier nous confie être témoin de la venue d’un bateau-usine tous les un à deux mois près des côtes, rejoint par une cinquantaine de chalutiers.
Selon le droit de la mer, l’État est souverain dans ses eaux territoriales et se doit de faire respecter les législations en vigueur, qu’elles soient économiques ou environnementales. La pêche illicite telle que décrite par la FAO devrait donc être réprimandée par l’Etat. D’autant que les bateaux pirates exercent leurs activités à moins de 2 kilomètres des côtes.
L’Etat ivoirien est donc responsable des activités qui ont lieu sur son littoral mais peine à jouer correctement son rôle dans la sécurisation des eaux territoriales et la préservation de la faune et de la flore aquatique. Le manque de moyens pour surveiller efficacement les côtes est-elle la seule raison ? La volonté politique est-elle réelle ? Des intérêts économiques personnels allant à l’encontre de l’intérêt général du pays existent-ils ?
Sans preuve, il est pour l’heure difficile de répondre à ces questions ni d’identifier précisément les fautifs. Quoiqu’il en soit, une réelle politique de promotion de la pêche durable accompagnée de moyens suffisants doit être mise en place au niveau national, régional et international. L’enjeu est de taille : la sécurité alimentaire des ivoiriens, tout comme celle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.
Article rédigé par Germain Fanouillet, Green Project Africa
Pour aller plus loin :
Infographie : comprendre la surpêche en 4 points clés
Green Project Africa, Reportages
Article de GreenPeace sur le coût de la destruction des océans
L’Afrique, terre naturelle de l’économie bleue
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